Pollution et Révolution

Publié le par G.E National

Vous n’êtes pas sans savoir qu’en Tunisie une révolution est en passe de bouleverser le paysage politique de l’Afrique du nord.

 

Les médias, comme s’il s’agissait d’un feuilleton à rebondissement, nous abreuvent d’informations en boucle sur ce peuple Tunisien en voie de faire basculer leur pays dans la démocratie. Je dis en passe car les caciques de l’ancien régime s’accrochent au pouvoir et tentent une métamorphose digne de super héros de mangas afin de spolier le peuple de sa révolution.

 

Le fond est le même et les manifestants ne s’y sont pas trompés en continuant à mettre la pression à un gouvernement de façade manipulé à distance, par Ben Ali depuis son exile doré. Les citoyens sont devenus vigilants afin de protéger leur nouvelle liberté à la limite de la paranoïa diraient certains. Des informations convergentes confirment que cette vigilance n’est pas superflue tant les tentatives de déstabilisation sont nombreuses afin de faire regretter aux Tunisiens le temps de la «sécurité et de la stabilité ».

Tous les échelons et tous les secteurs de la société sont gangrenés par 23 ans de pouvoir sans partage et beaucoup ont peur aujourd’hui d’être démasqués, ce qui peut les mener à des actions désespérées avec une portée dramatique. La Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux (SONEDE) n’y échappe pas.

 

La Tunisie est un pays pauvre en eau avec une disponibilité renouvelable bien en dessous de la moyenne régionale mais grâce à ses infrastructures, elle est le pays d’Afrique du nord et du moyen Orient qui a le plus haut taux d’accès à l’approvisionnement et à l’assainissement (96% des citadins et 52% de la population rurale). La question de l’eau est vitale, d’où la surveillance accrue des points de captage des eaux souterraines dans les régions du Cap Bon et de l’Ariana, où des tentatives de blocage voir de sabotage de l’approvisionnement ont été déjouées. La soif de liberté pourrait mener les Tunisiens à la soif tout court.

 

La psychose de l’attentat écologique rode et les alentours de certains grands groupes industriels où sont stockés des centaines de tonnes d’effluents toxiques sont surveillés par une poignée d’écologistes dépassés par l‘ampleur de la tache.

 

Les 1970 puits tubés ou ouverts et sources que comporte la Tunisie peuvent devenir un piège mortel pour les citoyens de toutes ces régions. Ces actes désespérés dus aux soubresauts d’une dictature qui ne veut pas mourir ne doivent pas faire oublier que l’empoisonnement de grande ampleur du pays a déjà commencé et ce, depuis des années.

 

Le famélique ministère de l’environnement a mis en place quelques mesures incitatives pour la protection de la nature comme l’exonération de TVA, des droits de douane et de taxes d’effet équivalent.

 

Face aux profits générés par ces industries, ces «mesurettes» n’ont que peu d’effets et l’empoisonnement à grande échelle continu. Depuis une décennie, la mer d’Ezzahra et la mer en générale de la banlieue de Tunis est agonisante, impropre à la baignade sauf pour les touristes qui s’y baignent au péril de leurs santé. Cette pollution est principalement causée par le déversement des eaux usées de la capitale.

 

Les régions de Sfax et de Kerkennah sont gravement affectées par le phosphagypse, reliquat de la fabrication des engrais et de l’acide phosphorique et sulfurique produits par les sociétés NPK et SIAPE. Par exemple, la SIAPE rejette en toute impunité 108000m3 par jour d‘effluents à fortes teneurs en fluor. Rien n’y échappe, nappes phréatiques, mer et l’air gravement pollués par les produits chimiques tels que le CO, CO2, NO, NO2, hydrocarbure et poussières de plomb.

 

Parmi les maladies les plus répandues à Sfax, on trouve l’emphysème pulmonaire, le cancer du poumon, les allergies et les anémies. Les hommes ne sont pas les seuls atteints, l’arboriculture aussi. Les feuilles de vignes et de figuiers sont littéralement brûlées aux abords de l’usine NPK.

 

Les îles paradisiaques de Kerkennah ne sont plus qu’un doux souvenir. Autre fois réputées pour leurs poissons, elles sont envahies aujourd’hui de déchets divers allant des gravats aux couches de bébés en passant par les traditionnels canettes et récipients plastiques. Face au laxisme du pouvoir, les autorités locales avouent leur impuissance à gérer ce phénomène dû au déferlement touristique.

 

Les exemples des saccages du patrimoine tunisien sont pléthores et pour le peuple, après la révolution, viendra le temps de la protection de l’environnement, seule garante de leur qualité de vie. La dépollution institutionnelle est une priorité pour ouvrir la voie à la défense d’une nature bradée à quelques grands intérêts claniques.

 

La liberté a un goût sucré qu’il est facile d’édulcorer avec quelques substitues artificiels qui peuvent se révéler toxiques au bout du compte. Loin de leur donner des leçons, connaissant toutes les embûches qu‘ils devront surmonter, nous leurs faisons confiance pour relever tous ces défis et nous sommes de tout cœur avec eux.

 

Mouloud REZOUALI

Président de GE Vaucluse

Publié dans G.E National

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article